Rectocolite Hémorragique et biothérapies :

Les biothérapies à base d’anticorps monoclonaux ont depuis quelques années montrées leurs efficacités dans le traitement de nombreuses pathologies et notamment les Maladies inflammatoires Chroniques Intestinales (MICI). La seule stratégie actuellement disponible sur le marché pour le traitement de la maladie de Crohn et de la rectocolite hémorragique (RCH) est basée sur la neutralisation d’une molécule appelée TNF (Tumor Necrosis Factor). Au cours de la pathologie, cette molécule est abondamment produite dans l’intestin et participe activement au développement de la réaction inflammatoire qui est à l’origine des lésions du tube digestif. Plusieurs types d’anticorps, de conceptions différentes, permettant tous la neutralisation du TNF sont actuellement commercialisés.  L’Infliximab (Remicade®) et l’Adalimumab (Humira®) sont autorisés pour le traitement de la maladie de Crohn, alors que seul l’Infliximab ne peut être utilisé pour la RCH. Bien que de conception plus récente et présentant normalement moins d’effets indésirables, l’efficacité de l’Adalimumab dans le traitement de le RCH n’avait jamais été testée. C’est maintenant chose faite avec la publication d’une première étude clinique en double aveugle contre placebo dans la revue Gut du mois de janvier 2011. Les résultats de cette étude confirment tout d’abord que le traitement par Adalimumab est bien toléré par les patients. Au regard des résultats obtenus avec l’Infliximab au cours du traitement de la RCH, il semblerait néanmoins que l’Adalimumab  ne soit pas aussi efficace dans l’induction de la rémission (à 8 semaines). L’analyse des résultats par sous-groupe de patients montre tout de même que l’Adalimumab semble efficace chez les patients dont la maladie est active et résistante aux traitements traditionnels. A l’issus de ces résultats, différents point critiques sont soulevés tels que la dose utilisée ainsi que la durée d’exposition au traitement. La publication prochaine d’une étude similaire avec un suivi des patients sur un temps plus long (52 semaines) devrait permettre d’évaluer la pertinence de l’utilisation de l’Adalimumab pour le traitement de la RCH. A défaut d’être convaincants ces résultats apparaissent donc actuellement au mieux encourageants et nécessitent d’être améliorés. 

Une autre stratégie, toujours à l’aide d’anticorps monoclonaux, consiste cette fois non plus à neutraliser les molécules inflammatoires dans l’intestin, mais à agir plus en amont en empêchant les cellules immunitaires responsables de la synthèse de ces molécules de se localiser dans le tube digestif. Au début des années 2000, cette stratégie s’est révélée prometteuse pour le traitement de la maladie de Crohn avec un anticorps monoclonal appelé natalizumab (Tysabri®). Malheureusement, cette molécule a été momentanément retirée du marché en Europe pour le traitement des MICI après que des effets secondaires graves au niveau du système nerveux central soient apparus. Toute la difficulté de cette approche consiste donc à identifier les bonnes cibles à neutraliser afin de sélectivement empêcher les cellules immunitaires de gagner l’intestin chez les patients atteints de MICI, tout en laissant la capacité à ces cellules immunitaires de remplir leurs rôles dans d’autres organes. C’est sur ce principe qu’a été conçu un anticorps répondant encore au doux nom expérimental de « PF-00547,659 ». La cible de ce traitement est une molécule (appelée MadCAM) majoritairement exprimée au niveau des vaisseaux sanguins qui irriguent l’intestin. Cette molécule est indispensable au passage des cellules immunitaires du sang vers les tissus intestinaux. Sa neutralisation devrait donc empêcher ce mécanisme de translocation des cellules immunitaires et provoquer ainsi une diminution de la réaction inflammatoire intestinale.  La première étude clinique testant l’innocuité et l’efficacité de cet anticorps chez des patients atteints de RCH vient d’être publiée en février dans la revue Gut. D’une manière générale le traitement semble avoir été bien toléré par les patients. Malgré quelques réponses cliniques et endoscopiques améliorées chez les patients traités par l’anticorps en comparaison aux patients ayant reçu le placebo, aucun bénéfice clinique statistiquement significatif n’a néanmoins pu être démontré pour le PF-00547,659. Ces premiers résultats peuvent donc pour l’instant apparaître assez décevants au regard d’une stratégie thérapeutique qui semble prometteuse. Cette première étude jette tout de même les bases pour des investigations cliniques plus conséquentes qui seront nécessaires afin de déterminer le rôle potentiel du PF-00547,659 dans le traitement de la RCH.

Par Benjamin Bertin

 

Références

Walter Reinisch, et al. Adalimumab for induction of clinical remission in moderately to severely active ulcerative colitis: results of a randomised controlled trial. Gut Online First, January 5, 2011

Severine Vermeire, et al. The mucosal addressin cell adhesion molecule antibody PF-00547,659 in ulcerative colitis: a randomised study. Gut Online First, February 11, 2011