Efficacité du filgotinib (inhibiteur JAK 1) pour le traitement des poussées de Maladie de Crohn
Les inhibiteurs de JAK sont des petites molécules administrées par voie orale qui semblent prometteuses dans le traitement de différentes maladies inflammatoires chroniques en dermatologie, rhumatologie et gastroentérologie. Cet essai de phase 2 au cours de la maladie de Crohn doit être maintenant confirmé dans un nouvel essai international plus large qui permettra également de mieux évaluer les effets indésirables potentiels.
Références
Clinical remission in patients with moderate-to-severe Crohn's disease treated with filgotinib (the FITZROY study): results from a phase 2, double-blind, randomised, placebo-controlled trial.
Vermeire S1, Schreiber S2, Petryka R3, Kuehbacher T4, Hebuterne X5, Roblin X6, Klopocka M7, Goldis A8, Wisniewska-Jarosinska M9, Baranovsky A10, Sike R11, Stoyanova K12, Tasset C13, Van der Aa A13, Harrison P13.
Lancet. 2017 Jan 21;389(10066):266-275.
Cet essai multicentrique de phase 2, randomisé, contrôlé versus placebo évalue l’efficacité du filgotinib, un inhibiteur sélectif de Janus Kinase (JAK) 1, dans la maladie de Crohn (MC) modérée à sévère.
172 patients ont été inclus, avec un CDAI (Crohn’s Disease Activity Index) entre 220 et 450 et des lésions endoscopiques (des ulcérations sur au moins un segment iléocolique, et un score endoscopique global SES-CD ≥ 7). La lecture endoscopique était centralisée.
Environ 60% des patients dans les groupes traités et placebo avaient été exposés aux antiTNF (en échec ou intolérants), les antiTNF étaient interrompus au moins 8 semaines avant l’inclusion.
La corticothérapie orale (≤ 30 mg/j) était maintenue stable. Les immunosuppresseurs étaient arrêtés au moins 25j avant l’inclusion.
Les patients étaient traités par filgotinib, 200 mg/j, en une prise, per os, ou placebo, pendant 10 semaines. Les patients répondeurs à S10 (baisse du CDAI ≥ 100) étaient re-randomisés pour recevoir du filgotinib 200 mg/j, du filgotinib 100 mg/j, ou un placebo(PBO) pendant 10 semaines, avec sevrage corticoïde forcé.
Les patients étaient suivis cliniquement (CDAI, IBDQ), sur la CRP, et une coloscopie avec biopsies était réalisée à l’entrée et à S10.
Le critère principal de jugement était la rémission (CDAI < 150) à S10, elle était obtenue chez 47% des patients sous filgotinib versus 23% dans le groupe PBO (p= 0,007). Chez les patients antiTNF naïfs les chiffres sont de 60% versus 13%, et chez les patients exposés de 37% versus 29%.
Les critères secondaires à S10, réponse clinique, IBDQ, score histologique, étaient significativement améliorés dans la groupe filgotinib, mais l’amélioration de la CRP et du score endoscopique n’atteignaient pas la significativité.
La partie 2 de l’étude de S10 à S20 était observationnelle, à S20 50 à 71 % des répondeurs à S10 étaient en rémission clinique selon qu’ils avaient reçu du placebo, du filgotinib 100 mg/j ou 200 mg/j.
Les effets indésirables particuliers dans le groupe filgotinib sont essentiellement des infections sévères 5%.
Cet essai est le premier montrant une efficacité d’un inhibiteur JAK dans la maladie de Crohn.
Les Janus Kinases sont des protéines cytoplasmiques, à activité tyrosine kinase, liées à des récepteurs transmembranaires de cytokines (de type I et II) qui sont eux dépourvus d’activité kinase. La fixation de la cytokine sur le récepteur active JAK et aboutit à la phosphorylation et la dimérisation de protéines STAT (signal transducers and activators of transcription) qui migrent dans le noyau où elles stimulent la transcription de gènes spécifiques. Il y a 4 sous types de JAK (JAK1, JAK2, JAK3 et TYK2).
Leur inhibition ouvre une voie inédite de traitement dans les pathologies inflammatoires. Dans les MICI le tofacitinib inhibiteur JAK1 et JAK3 a démontré son efficacité dans la RCH en induction (Octave 1 et 2), et en entretien (Octave sustain), que le patient ait ou non été traité par antiTNF. Mais dans la maladie de Crohn les résultats du tofacitinib sont décevants.
Les résultats du filgotinib montrent que l’inhibition spécifique de JAK1 est prometteuse dans le Crohn, avec toutefois une efficacité réduite chez les patients en échec ou intolérants aux antiTNF.
La phase 3 est en cours.
Conclusion
Ces petites molécules sont administrées par voie orale, n’induisent pas d’immunisation, sont rapidement actives, et ont une demi-vie courte. Elles pourraient bouleverser la hiérarchie des lignes thérapeutiques dans les MICI.
Le risque infectieux est toutefois à évaluer sur de plus grandes séries. Pour le tofacitinib un signal est régulièrement retrouvé concernant l’Herpès Zoster.