Des effets positifs au tabac ?
La RCH est 3 fois moins fréquente chez les fumeurs que chez les non-fumeurs
Attention, cet article n'est pas une incitation à fumer, un tabagisme même faible garde un rôle important sur le risque de cancer, de pathologies respiratoires et cardiaques. Cf. article de Inoue-Choi et al. JAMA Intern Med 2017 ; PMID 27918784, cliquez-ici
Si le tabac est clairement un facteur de risque et aggravant de la maladie de Crohn, il a des effets «bénéfiques» dans la rectocolite hémorragique (RCH). En effet, il exerce un effet protecteur non seulement dans la survenue de la maladie mais également dans son évolution clinique.
Une équipe australienne a effectué une revue de la littérature afin de mieux identifier ces effets positifs :
Chez les fumeurs dont le diagnostic de la maladie a été fait après l'introduction du tabac, la maladie est moins grave que chez les ex-fumeurs et les non-fumeurs. Certaines études ont même montré un effet dose dépendant.
De même, chez des fumeurs « intermittents », l'évolution de la maladie est rythmée par la consommation de tabac avec une exacerbation des symptômes pendant les périodes d'abstinence et leur réduction lors de la reprise du tabagisme suggérant une action rapide des mécanismes impliqués.
De nombreuses études ont montré l'aggravation du risque de développer une RCH dans les premières années du sevrage tabagique.
Concernant le recours à l'hospitalisation, chirurgie, corticoïdes ou immunosuppresseurs, les résultats sont plus contradictoires.
Qu'en est-il du tabagisme passif ? le risque est comparable à celui des non-fumeurs concernant le recours à l'hospitalisation, à la chirurgie, aux corticoïdes ou aux immunosuppresseurs.
Recelant près de 4000 composés chimiques (dont la nicotine et le monoxyde de carbone), il est difficile d'imputer à ce jour les médiateurs actifs responsables de ces effets cliniques ainsi que les mécanismes précis d'action. On peut citer tout de même l'implication très probable de l'immunité humorale et cellulaire avec l'action du tabac sur le mucus du côlon, la flore intestinale, la perméabilité intestinale, la motilité...
Des travaux ont été effectuées sur des modèles animaux. Malgré la critique de ne pouvoir comparer la durée d'exposition chez la souris à l'exposition chronique chez l'homme, des résultats intéressants ont été mis en évidence comme l'action différente de la nicotine sur le petit et le gros intestin (sécrétion de prostaglandines, microcirculation, cytokines..) expliquant probablement les effets divergents du tabac sur la maladie de Crohn et la RCH.
Concernant le monoxyde de carbone, il réduit les lésions colique et l'inflammation chez la souris. Bien évidemment, compte tenu de sa toxicité, aucune étude n'est envisageable chez l'homme !
Forts de ces constations sur la nicotine, des études cliniques contre placébo, chez l'homme ont été réalisées montrant l'action supérieure des patches de nicotine par rapport au placébo dans l'induction de la rémission chez des malades atteints de RCH active. Cette efficacité est inférieure à la mise en route d'un traitement par corticostéroides mais semble durer plus longtemps !
Ces études ne sont pas anodines. L'utilisation de la nicotine entraine des évènements indésirables beaucoup plus nombreux que ceux observés avec des traitements classiques.
Beaucoup d'études se sont concentrées sur la nicotine, rien n'indique aujourd'hui que ce soit le seul composant actif du tabagisme qui modifie le risque et l'inflammation dans la RCH.
La nicotine pourrait néanmoins trouver sa place chez des patients réfractaires à tous traitements conventionnels.
Cette revue de la littérature montre l'importance de nouveaux travaux de recherche précliniques et cliniques pour mieux comprendre l'effet bénéfique du tabac dans la RCH, identifier le ou les principes actifs, le mode d'administration optimal (intra-veineux, oral, transcutané, intra-rectal, inhalation) et aboutir à court terme à une nouvelle stratégie thérapeutique sans effet indésirable.
Références :
Review article: ulcerative colitis, smoking and nicotine therapy
P. C. Lunney & R. W. L. Leong
Alimentary Pharmacology and Therapeutics